Lors de la chute vertigineuse des taux orchestrée par Alan Greenspan en 2002, on pouvait se douter que la pluie diluvienne de liquidité dégénérait en crise. Celle-ci a pris la forme d'un krach immobilier qui s'est envenimé en crise de liquidité généralisée, titrisation aidant. Une forte contraction de l'activité est désormais envisageable Outre-Atlantique. A la sous estimation chronique du risque succède une aversion excessive.
La survenance d'une telle récession n'a rien d'étonnant, ni à vrai dire d'anormal, il s'agit de l'une des étapes classiques du cycle des affaires dans une économie libérale. La situation étant ce qu'elle était aux Etats-Unis en 2001-2002 on pouvait comprendre que la FED, pour des raisons plus "politiques" qu'économiques, prenne le parti d'aller trop loin dans la baisse des taux. Le problème est qu'on ne peut impunément ignorer les lois de l'économie La crise du crédit de l'été 2007 est venue le rappeler.
La question pertinente était donc de savoir si la FED solderait les années Bush en adoptant une posture orthodoxe plongeant les USA dans une crise cyclique forte mais salvatrice où si Ben Bernanke ferait sienne la politique laxiste initiée par son prédécesseur.
La réponse est tombée le 18 septembre 2007 : la FED renonce au dollar. Alors que le prix de toutes les matières premières est au plus haut, alors que le chômage officiel n'a même pas commencé à monter, alors que le Dow Jones reste à des niveaux satisfaisants, alors que la consommation grimpe encore un tout petit peu, la FED a pris la décision de baisser ses taux non pas d'un quart de point comme on pouvait déjà le craindre mais d'un demi point !
Il faut croire que la FED ne croit plus aux canons de l'orthodoxie. Elle a préféré se plier à la volonté des marchés financiers en baissant les taux, tout de suite, précipitamment. Dans le contexte actuel, il s'avère que ce sont principalement les institutions financières qui tirent bénéfice de cette baisse pour restructurer leur portefeuille de dettes et rétablir leurs marges. On peut en effet se demander si la minoration des taux ne mettra pas trop de temps à profiter au particulier américain. La baisse des taux pratiquée trop tôt aura en revanche de très fortes conséquences pour l'économie américaine. Le dollar continuera de chuter lourdement par rapport à presque toutes les devises. L'inflation déjà forte en réalité s'envolera encore plus ; la hausse des frais de santé et de l'énergie en témoigne. Non seulement l'Amérique risque d'importer de l'inflation massivement à l'occasion de cette dévaluation qui ne veut pas dire son nom mais, contrairement à ce que certains font mine de penser, de nouvelles capacités de production ne vont pas sortir de terre comme par magie pour profiter de la dévaluation. L'Amérique restera durablement importatrice de biens et de capitaux. Si jamais la FED devait persévérer dans cette voie cela ne résoudra pas les difficultés structurelles qu'affronte l'économie américaine en revanche, les Etats-Unis vont entretenir un cycle d'inflation et de dévaluation dont le caractère mortifère n'est plus à souligner.
Ben Bernanke a longtemps donné l'impression de vouloir corriger les excès de liquidité et de "traiter" le problème de l'inflation. Il a baissé les bras. Peut être que la situation économique américaine ne permet plus de prendre une "bonne décision". Lorsqu'une telle situation se dessine, dans le cas américain, c'est que l'on est à l'orée d'une révision globale des équilibres macro-économiques au niveau mondiale. Dans trois ou quatre ans lorsque la "croissance" américaine aura rejoint sa moyenne de longue durée (3%) les commentateurs hypnotisés par ces chiffres apparemment flatteurs feront mine de ne pas s'apercevoir qu'elle est devenue la deuxième zone économique du monde derrière l'Europe et ce à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la production industrielle, du niveau de vie réel, et plus important encore dans le monde qui est le nôtre encore par la capitalisation de ses places boursières et la puissance de ses institutions financières.
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