L'année 2006 entre autres évènements marquants aura vu Arcelor le géant européen de l'acier succomber à l'OPA hostile de Mittal NV. Les deux adversaires ont fait assaut de rhétorique pour expliquer qui était en mesure de créer le plus de valeur pour l'actionnaire. Mittal, au terme d'un combat homérique, l'a emporté, pourquoi ?
Sur le fond personne n'a vraiment discuté la pertinence du modèle industriel d'Arcelor, pas même Lakshmi Mittal qui n'a cessé de se répandre en louanges hyperboliques à propos de sa proie. En fait, le groupe était en très bonne santé et ses perspectives étaient bonnes. La direction avait fait le choix d'orienter son profil vers les produits de niche à forte valeur ajoutée industrielle et technologique. Elle s'apprêtait à tirer légitimement le fruit d'une politique initiée depuis la fusion d'Arbed, d'Aceralia, et du français Usinor. Le marché est pourtant resté sourd aux très bons résultats de la société en "fixant" une valorisation qui rendait une offre extérieure sinon inévitable du moins probable.
Mittal est parvenu à s'imposer en proposant une offre mixant ingÚnieusement un cash bienvenu pour matérialiser la plus value et un papier (Mittal NV) aux qualités très discutables sur le plan financier et industriel. On ne peut réduire la posture prise par les investisseurs à la recherche aveugle d'une plus value immédiate, Arcelor proposait aussi une distribution de cash généreuse, c'est le discours de Mittal qui l'a emporté dans les esprits. Et ce discours, si on le dépouille de ses oripeaux, se fondait exclusivement sur un point fondamental et dÚcisif : la concentration est la seule voie pour éviter au secteur un autre bas de cycle et garantir la valeur des actifs investis. C'est sur cet argument que Mittal a remporté la mise.
En définitive Mittal n'a fait que proposer aux investisseurs d'accélérer la constitution d'un ensemble de taille mondiale capable d'influer sur le marché et de le réguler. Ce que le marché financier a acheté c'est une concurrence sous "contrôle" dans le domaine de l'acier, autrement dit l'ébauche d'une cartéllisation internationale du secteur à l'échelle planétaire que la survenance du péril chinois - plus de 33% de la production mondiale - rendait nécessaire pour garantir les marges et donc l'investissement consenti. Mittal n'a d'ailleurs pas tardé à tenir ses promesses en enrayant la baisse des cours de l'acier par une politique agressive de baisse des volumes, le tout en continuant à procéder à des acquisitions alors qu'il ne s'est même pas délesté des actifs nord américains qu'il est pourtant tenu d'abandonner.
Alors que le "marché" réclame la fin des monopoles nationaux adossés à l'Etat, il applaudit des deux mains un processus de monopolisation à l'échelle mondiale de pans entiers de l'économie. C'est là l'un des effets les plus marquants et les moins commentÚs de la globalisation. Gageons que l'année à venir nous réserva d'autres fusions "stratégiques" du même acabit, on peut d'ores et déjà parier qu'elles recevront bon accueil.
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